La bataille de Bannockburn eut lieu les 23 et 24 juin 1314. C’est une écrasante victoire de l’armée écossaise menée par Robert the Bruce sur les troupes anglaises dirigées par Édouard II d’Angleterre pendant la première guerre d’indépendance écossaise.
Cette bataille est marquée par l’utilisation massive de piquiers, nommés schiltrons, par Robert Bruce. Cette bataille entraîne une remise en question tactique de l’armée anglaise, ce qui aura un impact majeur sur les tactiques de combat de la guerre de Cent Ans.
Contexte historique
Le 25 mars 1306, Robert the Bruce se fait couronner roi d’Écosse sous le nom de Robert 1er. Édouard 1er, roi d’Angleterre, envoie alors ses troupes vers le Nord et met en déroute les forces écossaises. Robert 1er voit sa tête mise à prix et rentre alors en clandestinité.
Le 6 juillet 1307, Édouard 1er décède. Il avait néanmoins fait promettre à son fils de poursuivre la campagne d’Écosse et de mater la rebellion. Édouard II ne respecte pas sa promesse et retourne à Londres. Robert 1er profite alors de ce sursis pour déclencher une action de guérilla qui lui permettra de reprendre la plupart des châteaux restés aux mains des Anglais.
En 1310, Édouard II lance une nouvelle campagne qui échouera.
En 1313, Édouard Bruce (frère de Robert) assiège le château de Stirling. Édouard II organise une expédition pour lever le siège et vaincre, au passage, l’armée écossaise.
Forces en présence
Armée anglaise
Commandant en chef : Roi Édouard II
À l’avant garde
- Commandement joint par Gilbert de Clare, comte de Gloucester & Humphrey de Bohun, connétable d’Angleterre et comte d’Hereford
- 600 cavaliers lourds
- 250 cavaliers gallois sous le commandement direct d’Henry de Bohun
- 1500 archers
- 150 arbalétriers
- 1500 lanciers
Au centre
- Commandement par Édouard II
- 200 chevaliers et hommes en armes en première ligne, commandés par le comte de Pembroke
- 300 cavaliers commandés par Robert Clifford
- 300 cavaliers royaux commandés par le Sénéchal Edmund Mauley
- 2500 archers
- 150 abalétriers
- 2500 lanciers
En arrière garde
- 600 cavaliers
- 1500 archers
- 150 arbalétriers
- 1500 lanciers et piquiers
Total
- Cavalerie lourde : 2000
- Cavalerie légère : 250
- Infanterie : 11450
Armée écossaise
Commandant en chef : Roi Robert 1er
À l’arrière garde (au centre le 24 juin)
- Commandement par le Roi Robert 1er
- 2400 piquiers divisés en 4 unités
Au centre (aile droite le 24 juin)
- Commandement par Edouard Bruce, comte de Carrick
- 1800 piquiers divisés en 3 unités
À l’avant garde (aile gauche le 24 juin)
- Commandement par Thomas Randolph, comte de Moray
- 1800 piquiers divisés en 3 unités
Cavalerie légère
- Commandement par James Douglas et Sir Robert Keith, maréchal d’Écosse
- 350 cavaliers légers qui ont combattu en tant qu’infanterie
Archers
- 1500 archers
Total
- Infanterie : 7500
- Cavalerie légère : 350
La bataille se déroule près de Stirling, à la rivière Bannock.
Robert a l’avantage du choix du terrain, il choisit une position en hauteur, adossée à une colline (Gillies Hill). Son flanc droit est protégé par un marécage et son flanc gauche est couvert de marais qui s’étendent de part et d’autre de la rivière Forth (en aval du pont de Stirling). Sur le front coule la rivière Bannock.
Robert prévoit une charge de chevalerie contre son aile gauche, il fait donc creuser des trous d’un mètre de profondeur qu’il dissimule sous des branchages et les Écossais répandent des chausses trapes sur le sol. L’objectif est de concentrer l’assaut ennemi sur la route qui mène à ses troupes et que les Anglais soient brisés par les schiltrons écossais.
Qu’est-ce qu’un schiltron ?
Un schiltron (ou schiltrum) est une formation dense de piquiers. Le schiltron a été utilisé pour la première fois lors de la bataille du pont de Stirling, par William Wallace, en 1297 (voir notre article à ce sujet). Le schiltron comporte plusieurs rangs. Le premier rang met le genou à terre et cale la pique avec ses pieds sur un angle d’environ 45 degrés. Le second rang porte la pique droite au niveau du ventre. Le troisième rang porte la pique plus haut, au niveau des épaules. Cet ensemble forme un mur contre lequel viendra se briser toute charge de cavalerie ou d’infanterie.
Le schiltron est souvent organisé en cercle ou en triangle et possède une forme creuse. C’est souvent là que se trouve le commandant du schiltron qui dirigera ses troupes mais il est aussi possible d’isoler un ou plusieurs ennemis en son centre afin de les faire prisonniers.Le schiltron est avant tout une tactique défensive mais il peut également être offensif. C’est Robert 1er qui utilisera pour la première fois le schiltron offensif.
Discours de Robert The Bruce
Avant la bataille, Robert prononce un discours à ses troupes qui rentrera dans l’Histoire. Le poète écossais Robert Burns le mettra d’ailleurs en vers en 1793 sous le titre « Robert Bruce’s March To Bannockburn » et ce chant deviendra un hymne patriotique écossais officieux avant d’être supplanté par The Flower of Scotland.
Le discours
« Scots, wha hae wi’ Wallace bled,
Scots, wham Bruce has aften led,
Welcome to your gory bed,
Or to victory.
Now’s the day, and now’s the hour;
See the front of battle lower;
See approach proud Edward’s power—
Chains and slavery.
Wha will be a traitor knave?
Wha can fill a coward’s grave?
Wha sae base as be a slave?
Let him turn and flee.
Wha for Scotland’s King and law
Freedom’s sword will strongly draw,
Freeman stand, or freeman fa’,
Let him on wi’ me.
By oppression’s woes and pains!
By your sons in servile chains!
We will drain our dearest veins,
But they shall be free.
Lay the proud usurpers low!
Tyrants fall in every foe!
Liberty’s in every blow
Let us do—or die. »
Écossais qui a versé le sang avec Wallace
Écossais que Bruce a si souvent menés
Accepte de mourir
ou de vaincre !
Le jour et l’heure sont maintenant venus
Vois ici bas la ligne de front
et regarde les troupes du fier Edouard
venues t’asservir !
À celui, assez coquin pour trahir
À celui trop couard pour faire face
À celui qui veut demeurer esclave
Je dis : tourne le dos et fuis !
À celui qui soutient la cause du roi d’Ecosse
et brandit fermement l’épée de la liberté
À cet homme libre qui survit ou meurt,
Je dis : rallie-toi à moi !
Face à l’oppression et la douleur;
Face à nos fils entravés,
que le sang pur qui coule dans nos veines
Nous affranchisse !
Renverse l’usurpateur !
À chaque ennemi défait, un tyran disparait !
Notre liberté s’acquiert à chaque fait d’arme !
Laissez-nous vaincre ou mourir !
Premier jour : le 23 juin
Comme l’a prévu Robert, la cavalerie anglaise charge l’aile gauche. Sûrs d’eux même, la chevalerie n’attend pas le reste des troupes et l’assaut se brise sur les pièges et les schiltrons écossais. Au cours de ce premier contact, un chevalier anglais, Henry de Bohun, repère Robert Bruce et le provoque en combat singulier, selon la coutume féodale. Celui-ci tourne au bénéfice de l’Écossais qui tue l’Anglais d’un coup de hache en pleine tête.
Un second assaut de la chevalerie anglaise, mené par 700 cavaliers, contraint la gauche écossaise au repli et isole une partie des combattants écossais. Conscient de ne pouvoir refermer la brèche, Robert Bruce laisse son aile gauche se tirer seule du mauvais pas, au risque de la voir anéantie. Mais l’aile gauche écossaise, malmenée, soutient les autres chocs et Clifford, le nouveau commandant anglais du secteur, meurt au cours d’une de ces charges. La tombée de la nuit arrête le carnage, les deux adversaires campant sur leurs positions.
Deuxième jour : le 24 juin
Le 24 juin au matin, les Écossais avancent vers l’armée anglaise. Alors qu’ils s’approchent des lignes ennemis, les Écossais s’arrêtent et s’agenouillent pour prier. Édouard II s’exclame alors : « Ils demandent pitié ! ». Sir Ingram d’Umfraville, un chevalier écossais au service de l’Angleterre, lui répond alors : « Ils demandent pitié, oui… mais pas à vous, ils demandent pitié à Dieu pour leurs péchés. Ces hommes vaincront ou mourront. Aucun ne fuira devant la peur de la mort. »
Les Anglais lancent leurs archers en première ligne. Ils se font alors engager par les archers écossais. Après quelques volées de flèches, les archers écossais battent en retraite. Cela semble néanmoins ne pas avoir eu d’effet notable sur l’avancée des piquiers écossais.
Édouard II demande alors au comte de Gloucester de mener une charge générale. Mal coordonnée, la charge de la chevalerie anglaise s’empale littéralement sur les piques écossaises. Gloucester meurt lors de cet assaut. Edouard II tente alors un ultime effort en engageant ses archers gallois sur son flanc droit. Mal ajustés, leurs tirs tombent au-delà des schiltrons écossais ou, pire, sur les premières lignes anglaises. L’infanterie, elle, se retrouve derrière la cavalerie qui est en train de se faire massacrer par les shiltrons. Le chaos s’installe dans les rangs anglais.
Les archers gallois sont rapidement dispersés par une charge de la cavalerie écossaise. L’intervention de la réserve écossaise entraîne la déroute définitive de l’armée anglaise. Le reste de la cavalerie ainsi que le roi prennent la fuite. Les réserves anglaises, n’ayant pas pu combattre, faute de place, et voyant le roi se retirer, effectuent une retraite. Enfin, les Anglais du front, se trouvant soudainement isolés, se dispersent. Les Écossais poursuivent ces fuyards, faisant prisonniers les nobles contre rançon et massacrant tous les autres. Une exception toutefois : les Écossais de l’armée d’Édouard, qui haïssaient Robert Bruce, sont faits prisonniers. On les exécute publiquement ultérieurement, montrant ainsi ce qui arrive aux traîtres envers l’Écosse.
Édouard II fuit jusqu’au château de Stirling mais le châtelain lui refuse l’entrée. Il chevauche ensuite jusqu’à Falkirk avec des troupes écossaises aux trousses. Sa fuite se termine à son arrivée au château de Dunbar (à plus de 100Km de Stirling).
Conséquences
Cette cuisante défaite ouvre les portes du nord de l’Angleterre aux raids écossais. Édouard Bruce, le frère de Robert, entamera également une campagne de conquête de l’Irlande entre 1315 et 1318 qui se soldera par un échec cuisant. Il y laissera d’ailleurs la vie. Robert, quant à lui, gagne sa légitimité en tant que roi d’Écosse, même si l’Angleterre mettra longtemps à le reconnaître… Sans la victoire de Bannockburn, nul doute que le Traité d’Édimbourg – Northampton n’aurait jamais vu le jour.
Sources
- AMSTRONG Pete – Bannockburn 1314 – Ed. Osprey, 2002
- Wikipédia – La bataille de Bannockburn – [page consultée en mai 2016]
Bonus : une pluie de documentaires !
Une reconstitution très intéressante de la bataille via jeu vidéo, ce qui permet de bien se rendre compte de la bataille dans l’espace.