Puis-je porter des plumes avec mon crest badge (badge au cimier) ? Quelle plumes puis-je porter et combien ? Etc. Voilà des questions qui font couler beaucoup d’encre et usent de nombreux claviers. Qu’en est-il vraiment ? 

La coutume stipule que : 

  • Les armigers (personnes ayant des armoiries) peuvent porter derrière leur crest badge une plume d’aigle.
  • Les chieftains (personnes à la tête d’une branche cadette d’un clan écossais) peuvent porter derrière leur badge au cimier deux plumes d’aigle.
  • Les chefs de clan écossais peuvent porter derrière leur badge au cimier trois plumes d’aigle.

Les plumes d’aigles peuvent être : 

  • Des plumes réelles et le propriétaire des plumes doit être en possession d’un certificat attestant que ces plumes ont été obtenues légalement.
  • Des plumes représentées symboliquement (le plus souvent en argent). 

Qu'est-ce qu'un crest badge ou badge au cimier ?

Un badge au cimier reprend le cimier des armoiries (élément héraldique au-dessus du heaume), entouré d’un cercle sur lequel est inscrite la devise attachée à ces armoiries. Les membres de clans peuvent porter comme badge le cimier de leur chef, entouré d’une ceinture close/jarretière (symbolisant leur fidélité), sur laquelle est inscrite la devise de leur chef ; c’est un privilège héraldique. Il faut d’ailleurs préciser que celui qui porte en Ecosse un badge au cimier d’un clan dont il n’est pas membre, est susceptible d’être sanctionné par une amende (en plus de se ridiculiser aux yeux des connaisseurs).

Crest badge d'un chieftain par Roddy Young
Crest badge d'un chieftain par Roddy Young

Origines

Le XXVIe Lochiel, chef du clan Cameron
Le XXVIe Lochiel, chef du clan Cameron

Au 18e siècle et dans le contexte de la Guerre de la Conquête (1754-1763), les régiments de Highlanders furent créés et déployés dans les Amériques pour combattre les troupes amérindiennes de l’armée française ennemie. Les Britanniques avaient besoin de soldats sachant se battre de la même manière que les amérindiens (embuscades, attaques éclair, razzias), ils décidèrent donc d’enrôler leurs propres “sauvages” et créèrent les régiments de Highlanders qui s’avérèrent hautement capables. 

L’effet inattendu est que les Amérindiens se reconnurent sur de nombreux points d’ordre culturel dans les Highlanders et inversement. La culture des Highlanders fut alors influencée par la culture amérindienne et c’est ainsi que les Highlanders se mirent à porter des plumes d’aigle. Certes, les Highlanders aimaient déjà porter des plumes de gibier sur leur bonnets, mais ce port n’avait aucune symbolique particulière alors que les plumes d’aigles portaient une symbolique de commandement et de prestige qui, au fil du temps, engendra les règles contemporaines exposées ci-dessus. 

Ces règles, cette coutume, se cristallisa à la fin du XIXe siècle. Nous pouvons proposer cette période sans être plus précis, car la documentation nous manque. Nous ne savons pas qui ni comment elle s’imposa, mais nous pouvons affirmer qu’avant cette période, aucun portrait de Highlander ne porte de badge au cimier avec une, deux ou trois plumes d’aigle. 

Coutume ou loi ?

Comme vous avez pu le lire, à aucun moment je ne parle de loi et je préfère employer le terme de “coutume”. En effet, The Court of the Lord Lyon (la cour héraldique d’Ecosse) n’a jamais légiféré sur le port des plumes car sa compétence et uniquement d’ordre généalogique et héraldique. J’insiste donc, le port des plumes d’aigles et une coutume non une loi. Quelques précisions : 

– Pour la coutume des trois plumes pour les chefs, rien de compliqué à comprendre et rien à préciser. Nous pouvons quand même ajouter que pour le chef des chefs, c’est-à-dire le souverain britannique, ce dernier devrait porter quatre plumes. 

– Pour les deux plumes des chieftains, le Lord Lyon, sans légiférer, a au vingtième siècle précisé qu’il serait “convenable” que seules les personnes à la tête de branches cadettes de clan les portent. En effet, avant cela, les deux plumes étaient aussi conférées aux personnes à la tête de Branches de clans écossais réparties dans la diaspora. Ainsi, et c’était logique, le clansman dirigeant une association clanique (en France nécessairement de loi 1901) donc une branche du clan, pouvait porter deux plumes. Le Lord Lyon pouvant légiférer en matière généalogique affirma que les clansmen assumant cette fonction n’étaient pas des chieftains, donc ils ne pouvaient plus porter deux plumes d’aigles (subtil, non ?). 

– Pour l’unique plume des armigers, c’est ce dernier cas qui engendre le plus de polémique.

Flora MacLeod of MacLeod, XXVIIIe chef du clan
Flora MacLeod of MacLeod, XXVIIIe chef du clan

La plume des armigers

Un armiger est un individu qui possède des armoiries. Ce dernier peut donc porter une plume d’aigle derrière son crest badge. 

En Ecosse, la chose est entendue, si vous portez des armoires c’est que ces dernières sont enregistrées chez le Lord Lyon et que vous êtes en possession d’une lettre patente confirmant ce fait. Au passage, et n’en déplaise aux faux Lairds des Highlands Titles, si vous n’êtes pas en possession d’une patente dans laquelle des armoiries vous sont conférées par le Lord Lyon, armoiries attachées à votre titre, vous n’êtes tout simplement pas Laird. Pour en revenir à la lettre patente, quand le Lord lyon explique la coutume de la plume des armigers, il précise que leur armoiries doivent être enregistrées en Ecosse ; logique puisqu’il s’adresse à des Écossais. L’erreur de beaucoup de personnes hors de l’Ecosse est donc de croire que si leurs armoiries ne sont pas enregistrées en Ecosse, si leurs armoiries ne sont pas écossaises, ils ne peuvent pas porter une plume d’aigle. C’est faux. Un armiger d’une nationalité étrangère est armiger selon le droit héraldique de son pays. Si son port d’armoiries est légal dans son pays de résidence, l’armiger peut porter “à la manière” écossaise, une plume d’aigle. 

Prenons l’exemple de la France. Dans notre pays, il n’y a pas de cour héraldique et les règles sont les mêmes que sous l’Ancien Régime. Tout le monde a ainsi la capacité héraldique et la loi protège les armoiries comme attachées à un nom. Attention ! Ce n’est pas parce que vous trouvez sur Internet ou dans un livre des armoiries historiquement attachées à une famille du même nom que le votre, que vous pouvez vous les approprier. Il faut prouver généalogiquement que ce sont bien vos armoiries ; je parle ici d’un véritable arbre généalogique, avec de vraies preuves d’ascendance. Si vous en êtes incapables, il est préférable de se donner de nouvelles armoiries et surtout d’en confier la création à un professionnel (comme le célèbre Laurent Granier par exemple), afin de respecter les règles traditionnelles et que vos armes soient “valides”. Donc, si vous avez des armoiries, vous pouvez librement décider d’en faire un badge au cimier à l’écossaise et de porter une plume d’aigle. Et si vous portez ce badge en Ecosse personne ne peut vous l’interdire : vous êtes un citoyen Français et non Écossais. Cependant, si plus tard vous devenez Britannique et vivez sur les nobles terres d’Ecosse, vous ne pourrez plus porter le crest badge avec une plume d’aigle en public sans être dans l’illégalité. Il vous faudra pétitionner auprès du Lord Lyon pour qu’il vous donne patente et que vos armoiries soient reconnues en Ecosse. 

Conclusion

J’espère avoir porté un peu de lumière sur cette belle coutume qui aujourd’hui est bien encrée dans la tradition écossaise. J’espère aussi vous avoir fait bien comprendre que c’était une coutume, une tradition et non une loi. Cependant, ce n’est pas parce que ce n’est pas une loi que vous pouvez vous autoriser lors de festivités écossaises ou autre de porter des plumes d’aigles sans entrer dans les catégories citées précédemment. Certes, si vous le faites, personne ne viendra vous causer d’ennui (quoique…), mais vous vous exposerez de vous même au ridicule par votre manque de respect des coutumes écossaises. 

Sources

  • WAY OF PLEAN George & SQUIRE OF RUBISLAW Romilly, Scottish clan & family encyclopedia, St Kilda, 2017
  • MARTINE Roddy, Scottish clan and family names, their arms, origins and tartans, Mainstream Publishing, 2008
  • ADAM Frank (revised by Sir Thomas Innes of Learney), The clans, septs & regiments of the Scottish Highlands, Johnston & Bacon, 2004
  • GALLOWAY Colin G., White people, Indians, and Highlanders, Oxford University Press, 2008

Liens