Comme ses voisins d’Europe, l’Ecosse a subi les influences des modes de Versailles, inspirées par Louis XIV puis par les amours de Louis XV. L’Angleterre s’appropria ainsi les coupes françaises, les adapta pour créer une nouvelle mode dont s’emparèrent les Écossaises.

Cet article n’a pas ici l’ambition de détailler l’ensemble des particularités de chaque mode ou de chaque robe par pays mais plutôt de dégager les caractéristiques principales afin de comprendre les évolutions qui se sont opérées pendant la période jacobite en France et en Grande Bretagne. De même, bien que la mode de cour soit souvent évoquée, les nobles et les riches bourgeoises portaient les mêmes modèles de robe ; néanmoins la finesse et la matière du textile changent. Seule la classe paysanne et ouvrière ainsi que la petite bourgeoisie ne pouvaient suivre les modes pour de multiples raisons (finances, travail manuel…) et portaient alors des vêtements différents.

Préambule

  • Corps à baleine : « Vêtement porté par les femmes sur le buste, rigidifié par une succession de baleines insérées entre son étoffe de dessus et celle de dessous. Grand corps désigne le corps à baleines du grand habit, qui se singularise par un large décolleté et des bretelles placées très bas sur les épaules. » Faste de cour et cérémonies royales, Le Costume de cour en Europe 1650-1800, ARIZZOLI Pierre, GORGUET BALLESTEROS Pascale
  • Grand habit : « Ensemble vestimentaire féminin. Il se compose du grand corps, de la jupe portée sur grand panier et de la queue de jupe amovible retenue par de grandes agrafes à la taille. De nombreux accessoires de lingerie, de dentelles et de passementerie viennent le compléter. » Faste de cour et cérémonies royales, Le Costume de cour en Europe 1650-1800, ARIZZOLI Pierre, GORGUET BALLESTEROS Pascale
  • Plis (à la) Watteau : Expression moderne pour désigner les plis dans le dos des robes à la française en hommage à Antoine Watteau (1684-1721), peintre français, qui en peignait dans de nombreux tableaux dont L’Enseigne de Gersaint (1720).
  • Queue : « Traîne. Le mot traîne n’est pas utilisé au XVIIIe siècle, que ce soit pour le vêtement masculin ou féminin. Queue de jupe désigne la traîne amovible du grand habit féminin. » Faste de cour et cérémonies royales, Le Costume de cour en Europe 1650-1800, ARIZZOLI Pierre, GORGUET BALLESTEROS Pascale

 

Conseil de lecture complémentaire : La Highland dress au temps des jacobites

 

L'exubérance française

A son arrivée au pouvoir comme monarque absolu de droit divin, Louis XIV souhaitait que son règne rayonne sur la France et l’Europe. Cette ambition ne se limita pas à l’édification de Versailles et à ses politiques militaires. Elle fut totale. A l’aide de Colbert, ministre du roi, il fit des manufactures textiles françaises les premières d’Europe, devant l’Italie ou l’Angleterre… et la mode suivit rapidement. En plus d’être dictées par “l’étiquette”, les robes et tenues féminines copiaient les goûts et envies des favorites du roi.

La mantua

Très inspirée de la robe de chambre à manches droites masculine, la mantua apparut dans les années 1670 dans la garde robe féminine : c’était à l’origine un habit d’intérieur qui, par la suite, se portait également en société. Un ajustement progressif se fit au niveau du buste à l’aide d’un corsage : l’arrière se cintra et se plissa tandis que l’avant fut agrémenté d’une pièce d’estomac en pointe. La mantua se portait sur un corps à baleine et le pan d’étoffe plissé formait une bande étroite qui ne dépassait pas celle du jupon du dessus.

L’une des particularités de ce modèle de robe est sa conception. En effet, c’est l’un des rares vêtements à être conçu pour des femmes et par des femmes. Le métier de tailleur était réservé aux hommes ; les femmes, simples couturières, n’étaient pas initiées à l’art de la confection noble.

La robe volante

Par son aspect décontractée, la robe volante contrastait notamment avec le grand habit, lourd et fastidieux à enfiler. Ce modèle de robe s’est également porté dans un premier temps dans les salons intérieurs avant de se démocratiser durant la Régence entre 1715 et 1720. Les femmes le portaient alors au quotidien, même pour recevoir.

La robe volante comportaient des plis sur le devant et également à l’arrière, qui tombaient en formant une jupe ample.

 

La robe à la française

A partir des années 1730, les premiers modèles de robe à la française virent le jour. Inspirés de ses peintures, les plis à la Watteau dans le dos se serraient pour former une queue, quant aux plis sur le devant, ils disparurent au profit d’une pièce d’estomac et d’un système d’attaches qui rappelle le manteau (il est également possible de voir des robes à la française fermées sur l’avant du buste, la pièce d’estomac n’étant alors plus visible).

Dentelles, pierres et broderies foisonnaient pour orner les pièces d’estomac, les manteaux de robe et les jupes. Des manchettes de dentelles modulables venaient également se fixer au niveau du coude.

Les riches motifs des tissus complétaient alors cette opulence visuelle. Que ce fut sous forme d’imprimés ou de broderies, les motifs floraux étaient récurrents et participaient au raffinement de ces dames.

La simplicité anglaise

L’esprit de la mode britannique fut moins porté sur le faste et la surenchère qu’en France, exception faite de quelques modèles auxquelles les Anglaises ne purent résister. Rapidement, les modèles de robes traversèrent la Manche.

La sobriété des textiles

La Grande-Bretagne demeurait plutôt puritaine dans ses mœurs et cela se voyait sur les vêtements. Rares étaient les robes à motif (et de surcroît dans le style français), les Anglaises préféraient les teintes unies et une faible présence de passementeries.

Cette sobriété était également due à la géographie et l’urbanisation de l’île. En effet, lorsque, précédemment, nous parlions de mode française, nous restions à Versailles, à Paris et dans les nombreuses demeures nobles. En Angleterre, l’urbanisme et la politique royale vis-à-vis de la cour différaient de la France, faisant que nobles et courtisans conservaient un rapport plus marqué avec la campagne. La mode s’adapta à ce style de vie : il fallait des vêtements confortables dans lesquels il était possible de se déplacer en ville comme à la campagne (et le choix des matières textiles avait également son importance).

Jonathan Tyer and family, Francis Hayman, 1740
by Francis Hayman, oil on canvas, 1740
Mr and Mrs Andrews, Thomas Gainsborough,1749
Mr and Mrs Andrews, Thomas Gainsborough,1749

La Mantua

Si elle se fit plus discrète en France les dernières années de règne de Louis XIV, la mantua perdura en Angleterre jusqu’au début du XIXème siècle dans les différentes couches de la société. Avec le développement des paniers, héritiers des vertugades ou vertugadins, la mantua de cour atteignit des proportions considérables dans les années 1750, si bien que, vers la fin, elle pouvait mesurer plusieurs mètres de large. A la cour, elle n’était portée que par les dames de l’entourage de la reine. Cette dernière et les princesses royales revêtaient le grand habit.

Pour un tombé parfait de la queue, le drapé était souvent ajusté et fixé avec un jeu d’épingles.

Exemple des disproportions des mantuas de cour :

La robe à l'anglaise

La robe à l’anglaise fut un bel exemple d’appropriation-adaptation d’un vêtement pour en créer un nouveau. Appelé “sack d’Outre-manche” par les Britanniques, la robe à la française fut à la genèse de la robe à l’anglaise. Les plis Watteau s’ajustèrent et se resserrèrent pour finir cousus en fines bandes. Le corsage ajusté se finissait en point en dessous de la taille. Progressivement, certaines variantes fermèrent ensuite l’avant du manteau, faisant disparaître la pièce d’estomac.

Robe à l'anglaise, 1725
Robe à l'anglaise, 1725
Robe à l'anglaise, 1725
Robe à l'anglaise, 1725

La Scottish touch

La culture écossaise, la culture des Highlands, était très forte et ce fut cela qui permit à l’Écosse de laisser une trace dans la mode féminine même si, la présence du motif tartan était bien moins visible que dans la highland dress masculine.

Le motif tartan

Le tartan était surtout une affaire d’homme. Dans son quotidien, la femme écossaise ne portait pas de vêtements confectionnés avec du tartan. La femme arborait ce motif lors de cérémonies officielles seulement (mariages, rassemblements claniques…). A partir du XIXème siècle seulement, celui-ci a pour fonction formelle de représenter le clan.

La vision romantique des Highlands a beaucoup influencé l’imagerie de la femme écossaise. Dans les faits, il est peu probable qu’elle le portât au quotidien.

Arisaid, fly plaid ou sash, qu'en est-il réellement ?

Les Écossaises pouvaient porter alors le tartan sous la forme d’étoffe qu’elles pouvaient plier et ajuster de diverses façons. On ne sait que peu de choses quant à l’utilisation du motif tartan chez la femme avant 1746. Ça n’est qu’au XIXème siècle que le port du tartan a pris une réelle importance clanique, suite à la levée du dress act (1746-1782). Le motif spécifique d’un tartan représentant un clan date du début du XIXème siècle.

 

Flora MacDonald, par Allan Ramsay, XVIIIe iècle
Flora MacDonald, par Allan Ramsay, XVIIIe iècle

Avant 1740, le arisaid était un long coupon de laine que les femmes portaient comme une robe. C’était une simple étoffe de couleur claire ou avec un motif rayé verticalement, comme pouvait l’être le jupon du dessus. Plus rarement, il pouvait être fait avec un motif tartan à grands carreaux. Il était maintenu grâce à une ceinture et une grande broche sur le buste. A l’instar du belted plaid masculin, les femmes pouvaient le remonter sur les épaules pour se protéger des intempéries. A partir de la moitié du XVIIIème siècle, le arisaid devint un accessoire, similaire à un châle, que l’on drapait et retenait à la ceinture.

Le port du fly plaid avec le motif tartan était identique pour l’homme et la femme. Il avait une valeur purement symbolique. Contrairement au arisaid, il était plus court et s’attachait à l’aide d’une broche sur l’épaule.

Enfin, le sash était le nom donné à l’étoffe lorsqu’elle était passée en écharpe autour du buste féminin. Au XIXème siècle, il existe toute une codification donnant des indications sur le statut social de la clanswoman. Selon s’il était noué sur la hanche gauche, la hanche droite ou sur l’épaule, cela ne voulait pas signifier la même chose.

Le Gouverneur William Sacheverell écrivit en 1688, après avoir observé les vêtements de l’Île de Mull : “The usual outward habit of both sexes is the pladd; the women’s much finer, the colours more lively, and the squares larger than the men’s, and put me in mind of the ancient Picts. This serves them for a veil and covers both head and body.”

“L’habit en extérieur courant pour les deux sexes est le plaid ; celui des femmes est beaucoup plus fin, les couleurs sont plus vives, et les carreaux plus grands que celui des hommes, et cela m’a rappelé des anciens Pictes. Cela leur sert de voile : il couvre à la fois la tête et le corps.”

Mais, et à la campagne ? et les ouvrières ?

Comme nous l’avons dit plus tôt, toutes les robes n’étaient pas adaptées à la vie en extérieur ou pour des travaux laborieux.

Une balade à la campagne

La vie à la campagne ne requérait pas le même luxe et le même confort. Les robes n’étaient pas toujours adaptées aux loisirs en extérieur comme l’équitation ou les promenades dans la nature. Le manteau de robe cédait alors sa place à la veste et à la jupe. Ces vestes pouvaient être de plusieurs types :

  • la veste cavalière : adaptée des vestes masculines, elle se portait par dessus le stays avec un grand jupon ;
  • la veste de chasse à cour : très similaire à la veste cavalière, la veste de chasse à cour était nettement plus ornée et utilisée par les femmes aristocrates pour accompagner les hommes lors des chasses à cour ;
  • le pet-en-l’air : nom donné aux robes dont le manteau taillé avec des plis Watteau arrivé au niveau du séant de ces dames.

Une mode adaptée pour le travail

Que ce soit en France, en Angleterre ou en Écosse, toutes les femmes ne portaient pas de robe à la française, à l’anglaise ou de mantua ; soit à cause du coût des tissus, soit pour des questions de praticité en lien avec leur travail. Paysannes, artisanes ou commerçantes revêtaient alors une jupe en matière simple et robuste ainsi qu’une veste, un gilet ou, plus tardivement, un jump. Dans les cas où la tâche était plus laborieuse, le corset était une telle contrainte que son port devint facultatif et peu de paysannes le mettaient.

Conclusion

Il existait une grande diversité de robes entre 1689 et 1746 qui inspiraient, se mêlaient et évoluaient. Dans une même aire géographique, il était tout à fait possible de rencontrer plusieurs modèles, selon ce que chaque femme voulait faire paraître. Cette multiplicité s’expliquait par une mode changeant tous les dix ans environs. En Écosse, il y avait peu de différences dans la coupe du vêtement. La distinction passait donc par les accessoires et le port singulier (mais peu courant) du tartan.

 

Sources